Pollution Lumineuse et la Loi

Pollution lumineuse : le gouvernement prévoit-il de faire évoluer la réglementation ?

Publié le 19/06/2018 • Par Gabriel Zignani • dans : Réponses ministérielles, Réponses ministérielles

Réponse du ministère de la Transition écologique et solidaire : Le gouvernement a pleinement conscience de l’enjeu que constitue la lutte contre les pollutions lumineuses. Des actions ont été engagées sur ce sujet depuis une dizaine d’années. Ainsi, l’article 41 de la loi Grenelle 1 énonce les 4 grands enjeux de la pollution lumineuse dont les principaux sont la sobriété énergétique et la réduction des atteintes à la biodiversité : « Les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l’observation du ciel nocturne feront l’objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation. »

Le premier arrêté pris en application de cette réglementation a été signé le 25 janvier 2013. Il concerne à la fois l’éclairage intérieur émis vers l’extérieur des bâtiments non résidentiels (vitrines de commerces, bureaux…) et l’éclairage des façades de ces mêmes bâtiments et encadre les horaires de fonctionnement de ces installations. Une règle générale d’extinction est fixée, se déclinant de différentes manières selon le type d’application d’éclairage concerné. Les économies d’énergie générées par cette mesure représentent 2 TWh par an, soit l’équivalent de la consommation électrique annuelle (hors chauffage et eau chaude) d’environ 750 000 ménages, et permettent également d’éviter l’émission chaque année de 250 000 tonnes de CO2. L’arrêté est globalement bien appliqué notamment en ce qui concerne les illuminations de bâtiments non résidentiels, même s’il existe des zones où des progrès peuvent encore être faits.

Le ministère de la transition écologique et solidaire, a sensibilisé en amont de l’entrée en vigueur les différents acteurs, et a privilégié la pédagogie à la répression. S’agissant des installations destinées à l’éclairage des parcs de stationnement et des installations sportives et à la mise en valeur du patrimoine mentionnées à l’article R. 583-2 du code de l’environnement, la consultation de l’ensemble des exploitants d’installations lumineuses va être engagée dans les prochains mois en vue de déterminer les outils qui pourraient être mis en place.

L’arrêté fixant la liste des sites astronomiques exceptionnels, dans lesquels des mesures complémentaires seront mises en place pour protéger le ciel et les écosystèmes, devrait intervenir dans le courant de cette année.

L’éclairage public est un domaine qui n’a pas encore fait l’objet de mesures réglementaires, mais des initiatives locales sont à signaler. Fort de plus 10 millions de points lumineux, le parc d’éclairage public est probablement la source la plus importante de pollution lumineuse ainsi qu’un gisement significatif d’économies d’énergie. Il s’agit toutefois d’un sujet sensible, les prescriptions ne se limitant pas au choix de l’équipement et à la détermination de la puissance des sources lumineuses. L’éclairage est aussi fonction de la nature des revêtements des sols et des façades environnantes qui réfléchissent l’éclairage. L’éclairement doit être adapté pour voir et être vu sans créer de risque d’éblouissement des passants et des conducteurs de véhicules.

La prise en compte d’autres enjeux, notamment de sécurité, doit également être considérée. Les collectivités y consacrent 41 % de leurs consommations d’électricité et 37 % de leur facture d’électricité, et des marges de progrès existent : plus de la moitié du parc est obsolète et surconsommatrice d’énergie. Entre 1 et 3 millions de « boules lumineuses » sont encore en fonctionnement, éclairant davantage le ciel que l’espace public et présentant un bilan énergétique faible. Contribuant à la fragmentation des milieux naturels, l’éclairage public constitue une infrastructure lumière dont les impacts sur la biodiversité nocturne sont désormais bien documentés par le Muséum national d’Histoire naturelle.

S’agissant du régime spécifique des enseignes et publicités (extérieures) lumineuses, le ministre chargé de l’environnement a fixé par un décret de janvier 2012 une règle générale d’extinction à partir d’une heure du matin dont les modalités diffèrent selon les dispositifs concernés. La prochaine échéance d’entrée en vigueur de cette obligation est fixée le 1er juillet 2018 pour le parc existant d’enseignes (3,5 millions d’enseignes). Cette mesure représente des économies d’énergie d’environ 800 GWh annuels pour les enseignes et plus de 200 GWh pour les publicités, soit l’équivalent de la consommation électrique annuelle (hors chauffage et eau chaude) de plus de 370 000 ménages.

Le ministère chargé de l’environnement est engagé depuis 2009 dans plusieurs actions de sensibilisation du grand public et des collectivités locales aux enjeux de la pollution lumineuse : concours « Villes et villages étoilés » organisé par l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN) et parrainé par le ministère qui récompense les communes mettant en œuvre des mesures de réduction des nuisances lumineuses et des gaspillages énergétiques, événement « le Jour de la nuit » soutenu par le ministère depuis sa création en 2009, la « Nuit des étoiles », etc. Ces événements constituent des outils d’accompagnement complémentaires et efficaces de la réglementation.

Références

Question écrite de Matthieu Orphelin, n° 5961, JO de l’Assemblée nationale du 20 mars 2018

Quelle perception ont les Français des nuisances lumineuses ?

Selon l’Ademe, les 11 millions de points lumineux qui constituent le parc d’éclairage public appellent une puissance d’environ 1300 MW, soit la puissance délivrée par une tranche nucléaire récente à pleine charge. L’éclairage public correspond à 41 % de la consommation d’électricité des communes et émet annuellement 670 000 tonnes de CO2.

Ce parc, globalement vétuste – le Syndicat de l’éclairage estime qu’au moins 40 % des luminaires en service ont plus de 25 ans –, présente un vaste potentiel de réduction des nuisances lumineuses et des consommations d’énergie grâce notamment à l’utilisation :

  • de lampes plus efficaces. Les lampes à vapeur de mercure qui composent 30 à 35 % du parc d’éclairage public sont deux fois moins efficaces que les lampes à vapeur de sodium par exemple ;
  • d’une lumière mieux orientée vers les zones à éclairer. Environ 1 million de « boules lumineuses » sont encore en service, présentant à la fois une très mauvaise efficacité lumineuse globale et générant une importante pollution lumineuse en éclairant davantage le ciel que la chaussée ;
  • par la mise en place de systèmes de gradation de la lumière, qui permettent d’adapter la quantité de lumière émise aux besoins, et éventuellement d’extinction de l’éclairage en pleine nuit dans certaines zones.

La réglementation

  •  L’article 41 de la loi Grenelle 1 décline les 4 grands objectifs de la loi : « Les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l’observation du ciel nocturne feront l’objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation. »
  •  Les articles L.583-1 à 583-5 du code de l’environnement détaillent la manière selon laquelle ces objectifs peuvent être atteints. Des prescriptions techniques peuvent être imposées à l’exploitant ou l’utilisateur de certaines installations lumineuses par arrêté du ministre chargé de l’Environnement.
  •  Les articles R.583-1 à R.583-7 définissent notamment les installations concernées par cette réglementation, le zonage permettant d’adapter les exigences aux enjeux des territoires concernés (agglomération, espaces naturels, sites astronomiques) ainsi que les principales prescriptions techniques qui peuvent être réglementées par arrêté.
  • La loi prévoit que le ministre peut interdire ou limiter le fonctionnement par arrêté, à titre temporaire ou permanent, de certaines sources lumineuses au regard de leur nature ou des caractéristiques locales. Ces arrêtés sont pris après avis du Conseil national de la protection de la nature et ne peuvent concerner que :
  1. les installations lumineuses telles que les skytracers, dont le flux est supérieur à 100 000 lumens, ou les faisceaux de rayonnement laser, qui peuvent générer d’importantes nuisances lumineuses sur l’environnement nocturne de par leur intensité lumineuse ou la visibilité à grandes distances de leurs faisceaux ;
  2. les installations lumineuses situées dans les espaces naturels protégés désignés en annexe du décret et les sites d’observation astronomique exceptionnels, ces sites étant par définition sensibles aux impacts de la lumière nocturne.
  •  Le premier texte pris en application de cette réglementation a été signé le 25 janvier 2013. Il concerne à la fois l’éclairage intérieur émis vers l’extérieur des bâtiments non résidentiels (vitrines de commerces, bureaux…) et l’éclairage des façades de ces mêmes bâtiments et encadre les horaires de fonctionnement de ces installations. Une règle générale d’extinction est fixée, se déclinant de différentes manières selon le type d’application d’éclairage concerné :
  • les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel doivent être éteints une heure après la fin d’occupation desdits locaux ;
  • les éclairages des façades des bâtiments sont éteints au plus tard à 1 heure ;
  • les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d’exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin d’occupation desdits locaux si celle-ci intervient plus tardivement.

Les règles qui encadrent l’horaire de rallumage de ces éclairages sont également spécifiées :

  • les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d’exposition peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l’activité si celle-ci s’exerce plus tôt ;
  • les éclairages des façades des bâtiments ne peuvent être allumés avant le coucher du soleil.

En ce qui concerne les façades et les vitrines, le texte prévoit que les préfets peuvent déroger aux dispositions citées, en particulier, la veille des jours fériés chômés, durant les illuminations de Noël, lors d’événements exceptionnels à caractère local définis par arrêté préfectoral et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.
Selon l’Ademe, les économies d’énergie attendues représentent 2 TWh par an, soit l’équivalent de la

consommation électrique annuelle (hors chauffage et eau chaude) d’environ 750 000 ménages. Cette disposition permet également d’éviter l’émission chaque année de 250 000 tonnes de CO2.
Comme le prévoit l’article L.583-2 du code de l’environnement, l’autorité compétente pour s’assurer du

 respect de ces dispositions est d’une manière générale le maire, sauf en ce qui concerne l’éclairage des bâtiments communaux pour lesquels la compétence échoit au préfet.

La loi de transition énergétique (article 188)

Dans le cadre des plans climat-air-énergie territoriaux, lorsque l’intercommunalité à l’origine de ce plan exerce la compétence en matière d’éclairage, le programme d’actions comporte un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l’éclairage public et de ses nuisances lumineuses.

(article 189) Les nouvelles installations d’éclairage public sous maîtrise d’ouvrage de l’Etat et de ses établissements publics et des collectivités territoriales font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale conformément à l’article L. 583-1 du code de l’environnement.

La loi biodiversité

Les paysages nocturnes font partie du patrimoine commun de la nation (L.110-1 du code de l’environnement). Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement, y compris nocturne. (L.110-2 du code de l’environnement).
            L’introduction directe ou indirecte de sources lumineuses d’origine anthropique fait partie des sources

 de pollution du milieu marin (L 219-8 du code de l’environnement).

            Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l’article L.333-1 (parcs naturels régionaux) visent également à garantir la prévention des nuisances lumineuses définie à l’article L.583-1.

La sensibilisation des acteurs

Villes et Villages étoilés

Organisé tous les 2 ans par l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN), le concours Villes et Villages étoilés distingue les communes qui agissent pour la qualité de la nuit et de l’environnement nocturne, tant pour les humains que pour la biodiversité, afin de réduire la pollution lumineuse et éviter les dépenses et les consommations d’énergie inutiles, sans pour autant négliger confort ou sécurité. Les actions remarquables donnent lieu à la remise d’un label comportant de une à cinq étoiles, valable 4 ans. Les éditions précédentes ont déjà reconnu 570 communes labellisées.

Le Jour de la nuit

Le Jour de la nuit est une campagne nationale de sensibilisation des collectivités et des citoyens sur les nuisances lumineuses et l’environnement nocturne qui est organisée depuis 2009 par l’association Agir pour l’environnement.

Lors de cet événement, de nombreuses animations et activités sont proposées partout en France au grand public : conférences, expositions, sorties nature, écoute des animaux, observations des étoiles, découvertes de la biodiversité nocturne, etc. En parallèle, de nombreuses villes éteignent symboliquement tout ou partie de leur éclairage public ou de leur éclairage de mise en valeur du patrimoine.

Depuis 7 ans, ce sont plus de 400 manifestations qui ont été organisées chaque année sur tout le territoire mobilisant notamment de nombreuses collectivités locales, associations et gestionnaires d’espaces naturels.

Cet événement permet d’accompagner la mise en œuvre de la réglementation relative aux nuisances lumineuses et à la maitrise des consommations d’énergie au travers d’une sensibilisation des différents publics (le grand public, les élus et les professionnels) sur la problématique et les enjeux liés aux nuisances lumineuses, et invite notamment à réfléchir à un éclairage raisonné.